Vénus Sur Terre

Plus bas, plus loin, je me perds

Je m’abandonne sous la mer je me libère

Soleil regarde moi je vais loin,

Loin de toi et plus bas que la terre,

Me vois-tu te quitter ?

Quitter tes cieux et ta lumière ?

Ici-bas la vie s’achève et recommence

Ici-bas cachés, les trésors les souvenirs et les choses égarées

Ici-bas nulle vaine parole, nulle vaine résistance

Ici-bas des algues mouvantes  et des sirènes en transe

Sereines et charmantes, elles chantent les vies des âmes noyées

Leurs voix emportées par les vagues se heurtant aux rochers.

De leurs entraves, elles sont enfin délivrées

Les ombres s’enlacent et forment l’opacité

Ici-bas, la douleur n’existe pas.

Ici-bas, toi aussi, Soleil, tu ne brûles pas.

Aube, dis-moi, te manquerais-je ?

Chaque jour, je te vois, je t’étreins,

J’expose à toi, mon visage terne, mes cernes,

Avant que tout ce qui vit ne voit ma peine.

Et je passe à toi, miroir, oh miroir si humble

Tu te pares de ma laideur infâme,

Pourtant muet, tu me racontes

Les vies de toutes celles que j’ai été,

Que tu estompes après, avec tes traces de buée.

Et de tout ce que j’ai, peut-être ce n’est

Qu’à vous que je manquerai.

Je vous le dis, j’ai tout cédé,

Mes luttes,

Mes amours blessés, cassés, guéris

A d’autres vies, à d’autres elles, chéries,

Je ramasse mon cœur morcelé,

Mes petits mots, mes pensées insensées

Les souvenirs de ceux qui m’ont oubliée,

.. Je m’en vais préparer mon décès.

Je n’ai jamais été ce que je croyais être. Je n’ai jamais correspondu à aucune image, ni celle que j’avais de moi-même ni celle qu’on avait de moi. Je suis effacée. Tel un vieux souvenir, qui avec le temps, change et devient ce qu’on fait de lui, euphorique des fois, mais toujours flou, toujours abstrait, toujours loin et finit par devenir inévitablement amer parce qu’on se rend compte qu’on s’efforce de le ranimer.   

Je suis des personnages. Des étapes. Des circonstances brèves. Je n’ai aucune essence. Pourtant, je traîne avec moi un même combat, une idée, une résistance. Mais je ne suis nulle part, dans cet affrontement. J’observe. J’attends.

Je suis née, morte et depuis, j’assiste malgré moi à l’évolution d’une histoire qui n’est pas la mienne. Elle ne m’appartient pas, car je n’ai choisi aucune condition dans laquelle je me trouve. Je suis devant vous, une actrice de cette vie, sans le moindre talent. Sans vos conditions je ne saurai faire des improvisations. Je récite les textes que les circonstances changeantes m’obligent à apprendre. Je n’en suis pas l’auteure.